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Affichage des articles du janvier, 2025

Un homme seul de Frédéric Beigbeder - Lecture

Impertinent, Frédéric Beigbeder, règle son compte à son père récemment décédé. Je suis intimidé au moment de rédiger ma petite chronique habituelle. J'ai décidé d'en écrire une sur chaque roman lu et je m'y tiens. Cependant certaines sont plus difficiles à faire que d'autres. Malgré le propos "funèbre" j'ai lu ce roman avec délice, en traitant intérieurement Beigbeder d'imposteur parisien, car le dandy donne toujours l'impression de ne pas y toucher avec sa manière facétieuse de dire des vérités profondes. Pourtant rien n'est plus faux. Tout d'abord, parce qu'il a quitté la capitale voici huit ans, pour rejoindre Guétary, le village de son enfance, près de Biarritz. Ensuite parce que ce qu'il écrit est d'une grande finesse. Ses phrases, toutes en nuances, se dégustent. Son propos trouve des échos tout au long du roman et les époques se répondent. Son père chasseur de têtes, charmeur, familier des plus grands, intelligent, cultiv...

Patronyme de Vanessa Springora - Lecture

 Ce roman parle de la recherche d'identité de l'auteur. Son père vient de mourir. Vanessa se retrouve à trier ses affaires et s'interroge sur ce père mythomane, sur lequel elle n'a jamais pu compter. Toute sa vie il a multiplié les fausses pistes et s'est présenté sous des dehors flatteurs pour s'évader d'une vie vouée à l'échec. Il possédait pourtant des atouts pour réussir. Son imagination aurait pu faire de lui un créateur. Sa capacité à convaincre, lui aurait, à coup sûr, ouvert des portes. Ses qualités n'ont servies qu'à tromper, à dissimuler. Qu'avait-il donc à cacher ce père qui lui a transmis ce drôle de nom "Springora" ? Ce patronyme n'existe que dans une famille en Europe : la sienne. Comment expliquer un pareil mystère ? L'auteur ne peut pas compter sur son les rares explications de son père pour l'apprendre. Il s'est inventé tant d'ascendances prestigieuses que sa parole est d'emblée suspecte. Mai...

Semiosis par Sue Burke - Lecture, SF

Sue Burke est une autrice américaine. La première page nous apprend qu’elle a vécu à Madrid et qu’elle a réalisé des traductions en anglais, pour une autrice sud-américaine et enfin que Semiosis est son premier roman. L’intrigue débute classiquement par une expédition de colons, venus de la terre, qui se posent enfin sur Pax, une planète lointaine. Ce qui différencie ce nouveau monde de la plupart de ceux qui ont été décrit dans la littérature de science-fiction, c’est l’importance de la flore. Je ne veux vous gâcher le plaisir en vous en parlant trop. Par contre, je peux vous dire que l’auteur met l’accent sur l’interdépendance des écosystèmes et des êtres qui le constitue. Elle dessine des relations de symbiose ou d’agression. L’humain n’est pas comme dans les vieux récits de SF, le conquérant magnifique, mais un groupe occupé à sa survie, c’est à dire à essayer de comprendre le fonctionnement du monde qui les entoure et comment ils pourraient s’y adapter. La faune, différente et dan...

Une amie de la famille de Jean-Marie Laclavetine - Lecture

La sœur ainée de l’auteur est morte fin 1968, lors d’une promenade aventurée sur les rochers de la chambre d’Amour à Biarritz. Lui avait quinze. Il se souvient d’une famille sous le choc, qui peu à peu enfouie l’absente sous une chape d’oubli. Le drame atroce blesse tant les parents qu'ils n’en parlent plus, ni entre eux, ni aux autres. Des années après, alors que les petits enfants passent leurs vacances dans la maison familiale, ils tombent, forcément sur une photo plus ou moins cachée de leur tante. Ils exhument des souvenirs dans le grenier, des mystères dans les silences de leurs ainés. A leurs questions, il leur est répondu qu’il s’agit d’une amie de la famille. Bientôt le poids du non-dit leur pèse tant que Laclavetine, petit frère de la disparue, décide qu’il est temps de lever le voile et de faire la lumière sur cette vie écourtée. Cinquante ans après, il décide d’écrire un livre. Il lui est impossible de faire ce portrait sans l’aide de tous ceux et celles qui l’ont aimée...

Drame en mer - Nouvelle

La frégate la belle poule, naviguait au large, au près bon plein*, sous un vent fort. Elle avançait bien, avec un gîte réduit du fait de son angle obtus au vent. Son capitaine, le vicomte de Grenier, avait choisit cette allure afin d’épargner les hommes et le matériel. Pondichéry se trouvait encore loin des Mascareignes** et le but du voyage n’était pas la vitesse, mais l’itinéraire. La belle poule avait pour mission de trouver la meilleure route pour rallier son objectif. Elle pouvait compter sur l’expérience du Chevalier de Grenier en matière de vents et de courants maritimes. Elle ouvrait la route. Le Comte de la Pérouse faisait partie du voyage. Pour l’heure, le jeune homme se reposait, attendant son quart. Depuis quelques temps, des rêves inhabituels venaient le visiter. L’isolement, malgré la promiscuité de bord, lui faisait vivre cette exploration, comme un moment hors du temps. Ses souvenirs d’avant se trouvaient mis en suspend, ne demeurait dans son esprit, que le seul présent...

La mère d'Aruna - nouvelle

Sur le champ de bataille rose de la planète Aruna, tandis que les armées se faisaient face, un groupe tentait de prendre l'ennemi à revers. Douze hommes avançaient lentement sous la conduite de leur sergent. Seul un œil expérimenté aurait pu déceler leur présence, masquée par leurs combinaisons furtives. Un œil ou peut-être une oreille ; un soldat reprenant son souffle, le raclement d’une botte sur un rocher. Ils ne parlaient pas. Peut-être pensaient-ils à cette guerre, pour une mine de métaux rares située sur un monde perdu, loin des routes galactiques. Peut-être restaient-ils simplement concentrés sur leur approche, c’est ce qu’on attend de professionnels. Inconscient de leur présence ou indifférent, un animal autochtone s’invita dans la scène ; un bébé Koujdou reconnaissable à son allure vaguement humanoïde, son pelage violet profond et surtout à son adorable bouille de chiot joufflu qui faisait le buzz aux actualités. En dépit de son allure de peluche, son arrivée ne plut pas d...

Blouse d'Antoine Sénanque - Lecture, inachevé

Cette fois, tant pis, je vais vous parler d'un roman que je n'ai pas lu, du moins pas entièrement. Antoine Sénanque est médecin, neurologue. Après l'autobiographie de Jean-Christophe Rufin, un autre neurologue, je me suis frotté les mains. Ce n'est pas que j'espérais trouver un auteur semblable à Rufin. Mais j'imaginais à minima un air de famille, un regard rendu proche par la difficile proximité de la souffrance et de la mort. Cet auteur n'est pas fait pour moi. Après une centaine de pages, j'ai rendu les armes. Alors peut-être n'ai-je rien compris ? Sénanque a de belles phrases qui me font un temps rentrer dans son discours. Ensuite, il se répète, trois fois, quatre fois, comme pour enfoncer le clou. J'avais compris la première fois, inutile d'insister ! Je devais sans arrêt faire l'effort de me concentrer sur ma lecture pour en être distrait aussitôt. En résumé, il explique que les internes en médecine ne sont pas préparés et que tout ...

Un léopard sur le garrot de Jean-Christophe Rufin - Lecture

Je viens tout juste de terminer "Un léopard sur le Garrot" de Jean-Christophe Rufin. Il s'agit d'une autobiographie que Gallimard a publiée en 2008. J'ai lu ce récit avec plaisir et admiration pour l'homme, simple, honnête, rempli de doutes, qui possède tant de talents qu'ils suffiraient à remplir la vie de plusieurs personnes. Médecin, ambassadeur, directeur de journal, dirigeant d'une ONG, Passionné de montagne et enfin écrivain ! Rufin ne se raconte pas, il nous partage sa vie avec son regard généreux, touché par la souffrance qu'il rencontre et vers laquelle il se dirige. Si la profession de médecin hospitalier l'a très vite déçu, par son manque d'humanité, sa hiérarchie, il n'a jamais cessé de l'être par son désir de soigner, de comprendre et de respecter l'humain. Depuis ses études de médecine et ses frasques d'étudiant, jusqu'à la révélation de l'écriture, il n'a jamais fait carrière, il a saisit les chanc...

Bonjour tristesse de Françoise Sagan - Lecture

Premier roman de Françoise Sagan, bonjour Tristesse parle de la découverte par une jeune fille de 17 ans, de son égoïsme et de sa capacité à manipuler ses proches. Sous des dehors nonchalants et la couverture d' une fausse ingénuité, Cécile rejette une belle-mère inattendue, qui menace la tranquillité de son esprit fantasque et sa complicité avec son dandy immature de père. Elle ira très loin, avec certes des états d'âmes, mais sans vrais remords. Une écriture fluide, une intelligence de l'âme humaine rare. Cet histoire d'un été paresseux m'a séduit. A lire d'une traite.

Les aïeuls - Conte

Il apparut au lever du jour, sur la plage. Un reflet, une vibration colorée, une silhouette qui se dessine. D’abord pâle mirage puis apparition. Une houppelande de lin écru, des cheveux bruns très courts sur un visage pâle au nez aigu. Ses pieds chaussés de cuir souple, un instant suspendus, daignent enfin se poser sur le sable. A côté, une barque, peut-être une chaloupe, sommeille encore, drossée sur la grève. Des traces, fraîches, montrent que d’autres sont parties à l’aube, pour le large, en compagnie de bateaux de pêche. Un village se tient là, bien tenu, habité de gens bien vêtus, bien nourris, libres, au regard fier. A quelques pas, une bâtisse vaste, fortifiée, protège ce petit peuple de la mer. Pendant que nous regardions au loin, une autre silhouette s’est incarnée. Une cape bleue recouvre une houppelande blanche. Les cheveux sont blonds, un peu bouclés. Le visage pale montre un petit nez pointu et des yeux sombres. Elle prend la main de l’homme et silencieusement, ils se diri...