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Affichage des articles du février, 2025

La danse des siècles - Nouvelle, SF

 – Je ne l'ai pas fait exprès ! L'homme me regarde et je sens bien qu'il ne me croit pas. Il a une dégaine incroyable. Je ne peux pas m'empêcher de le détailler avec insistance. Ses cheveux bruns, mi-longs, partent dans tous les sens. Sa barbe lui étire le menton de 10 bons centimètres. Il porte un genre de pantalon taillé dans une étoffe épaisse avec des liens sur les chevilles, une chemise lie de vin tout aussi grossière. un plaid lui couvre le côté droit, de l'épaule jusqu'en haut de la cuisse. – Vous n'avez rien à faire ici ! Retournez à votre époque immédiatement ! Il vient d'enfiler un poing américain dont les pointes s'évasent en tubes rougeoyant, manifestement un bijou de technologie. Son arme tranche totalement avec sa dégaine. – J'ai glissé. Autour de nous, une plaine, un chemin, une forêt, au loin des champs. Comment ai-je atterri là ? J'étais en pleine ville. J'ai glissé… Cet homme qui vient de me rejoindre a peut-être une exp...

Mon maître et mon vainqueur de François Henri Désérable - Lecture

Désérable nous parle d'Amour et de poésie, en compagnie d'un juge d'instruction et de son greffier. Il s'est lui-même incarné dans son roman sous la forme du témoin, de l'ami et il raconte sous le regard d'un juge bon public. C'est que le témoin raconte toute l'affaire, mais conserve le meilleur pour nous qui sommes au fait de chacune de ses pensées. Il est écrivain, tiens donc ? Alors parfois, il ne lui dit pas tout au magistrat, de peur d'aggraver son cas, car il est un peu complice dans cette histoire d'amour qui tourne mal ! Alors comme l'ami amoureux est poète et que ses vers sont devenus pièces à convictions, il déclame et parle parfois de la forme, plutôt que du fond et nous recevons au passage quelques cours de versification et ça c'est délicieux ! Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume ! Il l'enfume un peu, si vous voulez mon avis. Mon maître et mon vainqueur est un vers célèbre de Verlaine issu du poème "Es-tu br...

L'homme qui m'aimait tout bas d'Eric Fottorino - Lecture

Eric Fottorino est un fils rescapé. Il a faillit grandir sans père et au bout du compte, il en a rencontré deux. Il nous raconte son histoire avec une grande générosité. Ce qu'elle a de singulier s'efface devant ce qu'elle a d'universel. Par moments, je lui envie ses deux pères, celui qui l'a adopté sans réserve et celui qui n'a jamais pu le reconnaître, victime des conventions sociales et du racisme ordinaire de la France des années quarante. Si "questions à mon père" se consacrait au père naturel, "L'homme qui m'aimait tout bas" parle de ce père adoptif, Michel, père tout court qui l'a aimé sans réserve. J'aurais aimé avoir un père comme le sien, l'un de ceux qui n'abandonne pas ses enfants, pour qui la vie a un sens. Mais Fottorino est généreux. Il nous partage le sien pour réparer nos enfances.

Titan, station Prométhée - Nouvelle (version 2)

Marc se réveille et se lève rapidement. Il n'aime pas traîner. Il faut toujours qu'il se dépêche, même quand il n'a rien à faire. Il ressent une urgence, comme s'il fallait se hâter de vivre pour accomplir davantage. Il est comme ça. Il quitte sa chambre, vêtu de sa chemise de nuit et se dirige vers les douches. Il passe par le couloir, qui s'allume à son passage. Cette débauche d'énergie, l'agace. – Gala, baisse la luminosité de deux unités. La lumière s'estompe. Le sol, le plafond, les murs, fondus dans la même teinte marron foncé, perdent un peu de leur crudité. Des câbles filent en haut des murs, par lots de cinq. Pas une trace de poussière, juste quelques marques d'usure ternissent par endroits la froide uniformité des lieux. Le couloir est aveugle, aucune fenêtre ne s'ouvre vers l'extérieur. Marc s'est habitué. Ici, dehors est synonyme de danger, Il faut se calfeutrer. Les hommes ne sont pas les bienvenus. Marc pousse une porte et r...

Le diable rouge - Nouvelle

 Ubuqili, armé de sa sagaie, suivait la même piste depuis le matin. À présent haut dans le ciel, le soleil chauffait la savane. Une chaleur éprouvante se dégageait du sol desséché, mais le chasseur n'en avait cure. Ngulube, le phacochère, ne pourrait pas maintenir son allure bien longtemps. Ubuqili le savait et sa proie également. Incapable de réguler sa température interne, il allait bientôt devoir rendre les armes. Ubu se réjouissait déjà et songeait avec gourmandise à son retour au village. Son esprit divaguait, anticipant la fête. Il se reprit, son gibier pouvait encore lui échapper. Ngulube courait toujours et la chasse ne se terminerait que lorsque l'animal le déciderait. L’esprit de son père décédé l’accompagnait. Sa présence ne l'étonnait pas. Elle était conforme à la coutume. Il sentait qu'il était là. Ses pensées se mêlant aux siennes. Ubuqili s'adressait à lui à voix haute. – Baba ! Je n'ai pas besoin de toi ! Tu peux rejoindre nos ancêtres. Je suis u...

Questions à mon père d'Eric Fottorino - Lecture

L'auteur cherche à renouer avec son père naturel, qui ne l'a ni reconnu, ni élevé. Il aurait dû s'appeler Maman, ça ne s'invente pas. Son père s'appelait Maman, à prononcer nasalisé "Mamane", ça pourrait prêter à sourire mais ça n'est pas drôle. Car son père n'a pas voulu ne pas être son père, il en a été empêché, par les conventions sociales, la France de la seconde guerre mondiale. Une jeune fille mineure, la majorité était à 21 ans alors, n'épouse pas un juif, fut-il sincère. La mère, dont il est peu question dans le livre, tant elle est centrale, sera même séparée de son bébé et elle devra s'enfuir en le ravissant. Eric, mis au courant à l'âge de 17 ans, passera sa vie, écartelé entre la loyauté due à son père adoptif et ce Maman, qu'il croit "défaillant". Tout d'abord, gêné par l'écriture à la deuxième personne du singulier, j'ai vite plongé dans le style de Fottorino. "De notre vie passée au noir sor...

Un roman russe d'Emmanuel Carrère - Lecture, inachevé

Celui-là je n'arrive pas à le terminer ! C'est la seconde fois que je m'y essaye. Pour ma deuxième tentative, j'ai achoppé un peu plus loin. Emmanuel, tu écris bien et tes aventures au fin fond de la Russie, dans ce cul-de-sac de l'âme humaine que tu as trouvé, sont passionnantes, mais tes fantasmes érotiques m'agacent. Je sais bien que tu dis tout, que tu te racontes sans honte. Nous devons avoir à peu près le même âge pourtant j'ai l'impression que des siècles nous séparent. Ta façon d'aimer les femmes, à travers toi et ton désir, est étouffante, égoïste, si loin de ma vision fleur bleue et romantique ! J'achoppe une fois de plus. C'est ton psy qui doit avoir du travail. J'y reviendrai ! Et je complèterai ce texte. Tu as du talent et moi je suis un peu gonflé de te parler comme ça ! J'ai le droit, je suis un lecteur, c'est mon badge d'immunité ! Je te laisse encore une chance ! A bientôt

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan - lecture

Comme à chaque fois que je termine un livre, je me demande comment je vais en parler. Ce n'est pas une affectation, j'éprouve un véritable doute. Pourtant personne ne me demande de faire preuve d'une quelconque virtuosité, à chacun son métier. J'ai fini la lecture de ce roman en larmes. Delphine raconte sa mère qui vient de se suicider. Ne vous enfuyez pas ! Ces choses là font partie de la vie. Si vous ne le savez pas encore, vous l'apprendrez tôt ou tard. Ce roman s'attache à retrouver Delphine, telle qu'elle fût au travers du regard de ceux qui l'ont connus. C'est une enquête, un long travail forcément biaisé, avec sa part de fiction, comme un paléontologue reconstitue, un corps, des façons de vivre, à l'étude de quelques ossements épars. La famille ne sera pas épargnée. La vérité est à ce prix. Elle permet aux vivants de laisser partir les morts, sans les oublier, en tentant de les mettre à leur juste place. De les juger aussi et de leur pardo...

Un roman français de Frédéric Beigbeder - Lecture

J’ai lu « un roman français » de Frédéric Beigbeder, juste après « Un homme seul ». Je les ai lus dans le désordre, pourrait-on dire, le suivant en premier et le précédent, après. Je ne vais pas le résumer, j’en serais incapable. Non que je craigne d’en déflorer le sujet. Je me demande encore s’il en possède un. J’ai l’air de traîner des pieds et pourtant j’ai aimé ce roman. Puis-je le distinguer d’un homme seul ? Pas vraiment. Je l’ai sans doute effleuré. J’y ai retrouvé les mêmes personnages. Le père et le frère, brillants, écrasants même. A ceci près qu’un homme seul est l’éloge funèbre du père. Dans « un roman français » Frédéric n’est pas encore délivré, le mot est terrible, de la tutelle de son père, puisqu’il a été publié quinze ans plus tôt. J’en retiens, surtout, le désarroi de l’auteur. Sa fuite dans les plaisirs et la nuit. Son cynisme, son mal de vivre impertinent. Pourtant un soir, il se fait arrêter en compagnie d’un ami poète. Tous deux sont en train de sniffer un rail d...